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belgiqueL’indignation des présidents francophones
Rédaction en ligne
mercredi 07 novembre 2007, 21:30
La commission de l’Intérieur de la Chambre a adopté la proposition de loi visant à scinder l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Les présidents du MR, Didier Reynders, du PS Elio Di Rupo, du CDH, Joëlle Milquet, et d’Ecolo, Isabelle Durant et Jean-Michel Javaux, se sont dits indignés lors d’une réunion de crise.
Un vote historique, minute par minute
14h30. Tous les députés sont présents. 14h35. Pieter De Crem prend la parole. 14h36. Pieter De Crem, président de la Commission, précise qu’il n’y aura pas d’interventions. 14h38. La Commission passe au vote. 14h40. Les francophones quittent la salle. 14h42. Le vote se poursuit comme si de rien n’était. Les députés procèdent au vote des propositions d’amendements. La liste est longue… 14h51. Les députés flamands poursuivent leur vote contre les amendements déposés par François-Xavier de Donnea et Melchior Wathelet. Seule la député Groen T Van der Straeten s’abstient. 15h00. La salle est pleine à craquer. Les commissaires poursuivent religieusement le vote des amendements. Le tout, sous les yeux d’une vingtaine de caméras et de dizaines de journalistes. Les flashes crépitent dès qu’un article est voté. 15h14. La commission de l’Intérieur d ela Chambre vient d’adopter la proposition de loi visant à scinder l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde… Dix des onze députés néerlandophones (CD&V/N-VA, Open VLD, SP.A-Spirit et Vlaams Belang) ont voté pour ; l’élue Groen s’est abstenue. Les 6 députés francophones ont quitté la séance dès le début du vote. Guy Verstraeten
Ce vote constitue aux yeux des partis francophones « une agression politique grave » qui « rompt l’équilibre national », selon les termes d’une déclaration commune lue dans les locaux du parlement de la Communauté.
Celui-ci se réunira vendredi pour voter la motion, ce qui aura pour effet de suspendre la procédure en cours sur la scission de BHV.
Des motions de soutien seront votées dans d’autres assemblées francophones.
Pour le président du MR, Didier Reynders, le vote intervenu mercredi est « une rupture du Pacte entre les Belges ». Ce point de vue est partagé par l’ensemble des partis francophones, a indiqué le président du PS, Elio Di Rupo qui a parlé d’un « vote historique extrêmement grave » à la Chambre. Cet acte « met en péril tout un équilibre d’un pays », a-t-il ajouté.
Le vote de la motion suspendra la procédure et obligera à négocier entre les instances du nord et du sud du pays, a encore indiqué M. Di Rupo.
Après cet « acte politique d’agression de l’ensemble des Francophones », au-delà de la procédure en conflit d’intérêt, « nous attendons le retour au respect mutuel, à un Etat qui fonctionne pour l’ensemble des Belges », a dit la présidente du CDH, Joëlle Milquet.
« Aujourd’hui, le moment est important dans l’histoire de la Belgique », a indiqué le président d’Ecolo Jean-Michel Javaux, qui en a appelé au « sens des responsabilités ». La coprésidente Isabelle Durant a ajouté qu’après cette « vraie rupture », il convenait de « rassurer les citoyens inquiets ».
Le président du MR Didier Reynders a souligné que l’acte posé dépassait le cadre des négociations Orange bleue qui sont « suspendues ».
Interrogé en marge de la déclaration, il a ajouté en substance que chacun se sentait un peu responsable de l’échec intervenu dans la négociation sur BHV au sein de l’orange bleue. « Nous étions quatre autour de la table qui n’avons pas réussi à trouver une solution », a-t-il précisé.
Pour Elio Di Rupo, « ce serait cependant faire un affront supplémentaire aux francophones que de reprendre les négociations comme si l’événement qui venait de se produire était banal ».
Les partis francophones prendront attitude au début de la semaine prochaine, au-delà de la décision de voter une motion en conflit d’intérêt, a indiqué Didier Reynders. « Après cette imposition unilatérale, on suspend les négociations », a indiqué Joëlle Milquet. Selon la présidente du CDH, le vote de mercredi « ne restera pas sans conséquences, il y aura des suites ».
Les partis francophones n’ont pas évoqué la possibilité de la sonnette d’alarme qui pourrait être activée à la Chambre au bout du processus enclenché par la motion en conflit d’intérêt qui suspend les travaux pour un maximum de 120 jours.
Le socio-économique uniquement
Un des scénarios qui circulaient depuis plusieurs jours et qui semble retenu par certains négociateurs serait de considérer que, comme le déclenchement du conflit d’intérêt suspend automatiquement les discussions sur BHV, on pourrait poursuivre les discussions pour la formation d’un gouvernement avec un programme uniquement axé sur le socio-économique.
On peut toutefois s’interroger sur la crédibilité d’un tel scénario et sur la capacité des dirigeants CD&V à convaincre leurs troupes et surtout celles de la N-VA de faire un gouvernement sans prévoir d’avancées institutionnelles, alors que le dossier BHV est bloqué.
Un gouvernement mis en place dans de telles conditions aura le communautaire et BHV comme épée de Damoclès permanente au-dessus de la tête, ce qui constituera un sérieux handicap, font remarquer plusieurs observateurs. Le bilan qu’un tel gouvernement pourra présenter aux élections de 2009 risque d’être constitué surtout d’accrochages communautaires, ajoutent-ils.
Après un tel choc politique comme aujourd’hui à la Chambre, il n’est pas écrit que cette formule passe comme une lettre à la poste. Parmi le scénario qui reste ouvert : celui de la crise de régime.
Picqué : Bruxelles doit servir d’exemple
La Région bruxelloise doit plus que jamais incarner l’exemple et la stabilité dans la tourmente politique actuelle que traverse le pays, a affirmé le ministre-président Bruxellois Charles Picqué.
Pour lui, la situation actuelle est le résultat d’une absence de véritable dialogue autour de la table de l’Orange bleue.
« Je suis convaincu que nous devrions partir de l’exemple bruxellois pour (re)construire ce qui peut encore l’être, avec respect et tolérance », a affirmé le ministre-président bruxellois à la suite du vote.
Pour Charles Picqué, Bruxelles est un « formidable laboratoire de vie commune, toutes communautés confondues. Sa tradition d’ouverture et de tolérance doit être un exemple de la capacité de vivre ensemble, même en parlant des langues différentes ».
Le ministre-président bruxellois n’en a pas moins jugé « inacceptable » qu’une communauté majoritaire impose unilatéralement un vote à une minorité. Il considère qu’une telle démarche rompt l’équilibre démocratique du pays.
« Je suis particulièrement bien placé pour le savoir, en tant que ministre-président d’une région bilingue où la minorité flamande est et doit être respectée », a-t-il commenté.
A ses yeux, la situation actuelle est d’autant plus regrettable que la problématique de BHV est très éloignée des réelles préoccupations des Belges et que le pays donne à l’étranger une image de division totalement préjudiciable à la capitale de l’Europe.
« Face à un fédéralisme d’union en déliquescence, la Région bruxelloise réaffirme haut et fort par la voix de son ministre-président, l’unité des francophones et néerlandophones de Bruxelles dans la poursuite de son objectif principal : la prospérité de Bruxelles et de ceux qui y vivent, et partant, la prospérité de tout le pays à laquelle son apport est immense », a-t-il ajouté.
Ce travail doit être poursuivi sans relâche notamment via le Plan de Développement International que le gouvernement régional a mis sur pied pour renforcer le rôle capital de Bruxelles dans l’intérêt national et dans celui des autres Régions. « Mais cette vocation internationale exige respect et coopération entre les différentes composantes du pays », a-t-il conclu.
Charles Picqué a estimé que le vote de nature communautaire intervenu en commission de la Chambre pouvait donner lieu à deux lectures que l’avenir départagera : soit le pays est confronté à une étape de dramatisation faisant partie d’un jeu d’intimidation et qui ne débouchera pas forcément sur un affrontement ; soit le vote fait partie d’une dynamique d’excitation des esprits qui va accélérer un processus de démembrement que le leader socialiste bruxellois dénonce depuis une quinzaine d’années.
« Mais après un événement comme celui-ci, il revient à celui qui l’a provoqué de se rendre compte qu’il est indispensable de faire une concession », a-t-il dit.
Le cdH veut des engagements
Le cdH constate que les négociations sont suspendues et ajoute que pour les reprendre, il faudra des garanties qu’il existe une volonté de trouver une solution négociée pour BHV pendant la durée de la suspension et un engagement sans ambiguïté de chacun de s’en tenir à l’accord intervenu pendant la mission de l’explorateur sur le phasage de la future réforme de l’Etat.
« Le cdH souhaite un gouvernement au plus tôt pour la stabilité du pays avec un programme social, économique et environnemental mobilisateur pour tous ses citoyens. Mais pour y arriver, il faudra que des garanties claires soient données pour démontrer à la fois qu’il y a une volonté commune d’élaborer ce programme fédéral fort, de ne pas affaiblir l’Etat belge et de respecter désormais toutes ses composantes, ainsi qu’une volonté de trouver une solution négociée et non imposée à BHV pendant la durée de la suspension de la procédure », disent les Humanistes dans un communiqué.
Ils ajoutent que pour eux, « tous les partis devront démontrer la volonté de confirmer sans plus aucune ambiguïté désormais, comme le cdH l’avait clairement obtenu à l’issue de la mission de l’explorateur suite au blocage qu’il avait fait fin août, que toute discussion institutionnelle sera effectivement reportée selon les modalités déjà établies, hors du gouvernement, dans un cadre impliquant notamment tous les partis démocratiques et qu’aucune décision éventuelle ne pourra être prise sans majorité équilibrée des deux tiers ».
Le cdH rappelle que depuis le début des négociations sur BHV, il a, comme les autres partis francophones, toujours estimé qu’il fallait trouver une solution équilibrée et négociée et qu’un vote devait être évité. Il constate par ailleurs qu’il n’a jamais reçu aucune proposition concrète écrite permettant de débuter des négociations officielles sur ce sujet et que ces dernières n’ont dès lors jamais débuté en plus de 4 mois.
Les Humanistes ajoutent que malgré les tentatives faites encore ce mercredi midi par les Francophones visant à demander un report du vote et à proposer des amendements raisonnables à un texte de simple procédure proposé verbalement par le formateur, la décision a été prise tant par l’Open Vld que le cartel CD&V/NV-A de préférer « imposer » plutôt que « négocier » et passer à un vote dont la portée est « gravissime car il brise à la fois l’équilibre de l’Etat belge et le respect d’une des deux parties du pays ».
« Ce vote n’est ni plus ni moins une gifle donnée à plus de 4 millions de Francophones, c’est la volonté de supprimer sans autres modalités, un droit politique essentiel : celui de pouvoir continuer à voter pour leurs représentants se présentant dans le territoire de la Communauté française. Il est aussi une gifle à la démocratie car il n’a été rendu possible que grâce aux votes de l’extrême droite », note encore le cdH.
Le cdH se réjouit de la rencontre entre les partis francophones, « au-delà des clivages, pour en tirer toutes les conclusions qui s’imposent et entamer une procédure de conflit d’intérêt et ensuite de sonnette d’alarme qui permettra de bloquer le cheminement de la proposition de loi pendant plusieurs mois ».
Il ajoute encore que « le vote d’aujourd’hui signifie par ailleurs que les partis flamands, négociateurs de l’Orange bleue, ont préféré sortir, par ce geste, d’un cadre de négociation basé sur le dialogue pour entrer dans un cadre de confrontation basé sur l’imposition d’une vision unilatérale ».
Le cdH considère dès lors que les négociations de l’Orange bleue sont, par cet acte grave, suspendues de fait et fixe ses conditions pour qu’elles puissent reprendre.
Un vote rapidement expédié
Aucun groupe ne voulait manifestement faire durer le suspense, mercredi après-midi, en Commission qui avait à son ordre du jour la poursuite de la discussion et les votes sur les propositions de loi flamandes scindant l’arrondissement de BHV.
Personne n’a en effet demandé la parole, ni sur les avis du Conseil d’Etat, ni sur les amendements. Après quelques minutes à peine, on est passé au vote et les francophones ont immédiatement quitté la salle de réunion.
Les propositions ont donc été adoptées par les seuls membres flamands de la Commission y compris la représentante de Groen !, Tinne Van der Straeten, qui s’est abstenue.
Le chef de groupe Ecolo/Groen ! Jean Marc Nollet était présent à la réunion des chefs de groupe francophone où il avait été décidé que les francophones quitteraient la Commission en cas de vote.
M. Nollet était présent en Commission (dont il n’est pas membre) et a quitté la séance avec les autres francophones. Le représentant des Verts est une députée de Groen ! qui, elle, est restée en séance. Elle s’est toutefois abstenue.