Monday, May 18, 2009

Catalonia et Euskadi: "un feu d'artifices de symboles anti-espagnols"


Espagne : vaut-il mieux un hymne sifflé ou censuré ?

LE MONDE | 15.05.09 | 16h10 • Mis à jour le 15.05.09 | 16h10
Madrid, correspondant

Au lendemain de la finale de la Coupe du roi, une tête est tombée. Julian Reyes, le directeur des sports de la télévision publique espagnole (TVE), a été limogé, jeudi 14 mai, à la suite "d'une erreur d'une gravité extraordinaire". Selon un communiqué du groupe audiovisuel public, il est "considéré comme le plus haut responsable de la non-diffusion en direct de l'hymne national lors de la retransmission du match de football entre le FC Barcelone et l'Athletic Bilbao". Les téléspectateurs n'ont pas seulement raté le traditionnel travelling montrant les joueurs au garde-à-vous pendant l'exécution de la Marcha Real. Ils n'ont surtout pas entendu les bordées de sifflets destinées à l'hymne espagnol, ni les vociférations hostiles au couple royal qui avait pris place à la tribune d'honneur.

C'est là que naît la polémique. La presse a évoqué une censure. "Des milliers de personnes sifflent le roi et l'hymne et TVE le dissimule", s'est indigné El Mundo, le principal quotidien de droite, dont les prises de position contre les nationalismes basque et catalan sont quasi quotidiennes. "TVE nie catégoriquement toute forme de censure, a répondu la direction du groupe public. A aucun moment n'ont été données des instructions pour occulter ce qui se passait dans le stade." Toujours est-il que l'antenne a été donnée au moment opportun - "de manière millimétrique", ont écrit des commentateurs - aux envoyés spéciaux de la chaîne à Bilbao et à Barcelone pour sonder l'ambiance auprès des supporteurs restés au pays.

Pendant cet interlude, le stade Mestalla de Valence résonnait d'une bronca sans commune mesure avec les sifflets minoritaires du Stade de France contre La Marseillaise. Nationalistes en rouge et blanc (Bilbao) et nationalistes blaugrana (Barcelone) se sont époumonés de concert. C'était joué d'avance : quand le Barça, club phare de l'identité catalane, rencontre l'Athletic Bilbao, émanation de l'âme basque, en finale de la Coupe du Roi, la politique s'invite à la fête du football, dans un feu d'artifices de symboles anti-espagnols. Tout le monde s'y était préparé, y compris la télévision : "Connaissant l'importance de l'événement, des instructions précises avaient été données pour qu'il n'y ait aucune erreur", indique le communiqué de TVE.

"ERREUR HUMAINE"

Prévoir ne suffit pas. Les organisateurs, qui avaient monté au maximum la sono du stade pour que la musique puisse couvrir les sifflets, ont perdu la bataille des décibels. A l'extérieur de l'enceinte, la police a bien confisqué les 5 000 pancartes que distribuaient des militants de la Jeunesse nationaliste de Catalogne, mais une immense banderole lui a échappé. Déployée avant le match dans une tribune catalane, elle proclamait en anglais : "Nous sommes des nations d'Europe. Au revoir l'Espagne". Si le téléspectateur n'a rien su de tout cela, il a tout de même pu écouter l'hymne à la mi-temps, dans une version édulcorée, sans le son des sifflets et avec des plans de coupe montrant les tribunes les plus sages. La chaîne s'était rapidement excusée pour ce qu'elle qualifiait "d'erreur humaine". Le pauvre (ex-) chef des sports aurait-il été plus royaliste que le roi ?

Jean-Jacques Bozonnet
Le Monde.fr

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