Avui mateix, L'Orient-Le Jour de Beirut publica un extens article de Thalia Bayle sobre la causa nacional dels kurds sirians que s'obre pas enmig del conflicte amb el règim i amb els gihadistes d'Al Qaeda.
Alors que les relations sont ambigües entre le régime de Damas et les partis politiques kurdes, ces derniers restent dubitatifs face aux rebelles syriens imprégnés par le nationalisme arabe ou par líslam radical. Ces dernières semaines, les violents affrontements entre Kurdes et jihadistes dans le nord et le nord-est de la Syrie ont mis en évidence les antagonismes dans les rangs de l’opposition au régime de Bachar el-Assad tout en soulevant de nombreuses interrogations quant à la définition de la future Syrie.
En effet, un an après le retrait des troupes du régime des zones kurdes, les forces politiques kurdes syriennes contrôlent une large partie de ce territoire. Elles comptent aujourd’hui pérenniser leurs acquis à travers la formation d’une région autonome sur le modèle du Kurdistan d’Irak. Guidés par un agenda politique propre fondé sur la reconnaissance des droits des Kurdes, les partis politiques kurdes de Syrie, quoique divisés, se démarquent aujourd’hui aussi bien du régime que des forces rebelles. De son côté, la Turquie voisine, grand soutien de l’opposition à Damas, suit avec inquiétude la progression, à sa frontière, des Kurdes du Parti de l’union démocratique (PYD), branche syrienne du PKK turc qu’elle considère comme une organisation terroriste.
Une population longtemps discriminéeLes Kurdes syriens représentent environ 10 % de la population du pays, soit environ 2 millions de personnes. Ils sont présents dans 3 enclaves du nord et du nord-est de la Syrie, autour de la région d’Afrin, Kouban, et dans la Djezireh, ainsi que dans certains quartiers d’Alep et de Damas. Ils constituent la composante la moins nombreuse d’un ensemble kurde de 30 à 40 millions de personnes dispersées sur quatre pays : Turquie, Syrie, Iran et Irak.
En Syrie, ils ont longtemps fait l’objet de discriminations. Lors de son accession au pouvoir dans les années 1960, le parti Baas a souhaité arabiser sa frontière avec la Turquie et a mis en place une série de mesures d’exclusion des Kurdes parmi lesquelles l’interdiction de pratiquer la langue kurde ou le déplacement forcé de villages repeuplés par des Arabes. En 1962, au terme d’un recensement, 120 000 Kurdes se voient déchus de leur citoyenneté, soit 20 % de la population kurde de l’époque. Privés de tout document d’identité, l’accès à plusieurs professions, notamment publiques, à l’université ou à la propriété leur est interdit.
Si Bachar el-Assad n’a guère fait preuve de plus de clémence envers
les Kurdes, la guerre civile l’a amené à s’engager dans une stratégie
de soutien au jeu communautaire et régionaliste des Kurdes dans le but
d’enrayer leur mobilisation contre lui en la cloisonnant dans des
logiques de revendication politique identitaire. Dans cette stratégie,
les partis politiques kurdes syriens ont joué un rôle capital.
Des forces politiques divisées
Aujourd’hui, explique Cyril Roussel, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient, « l’horizon politique kurde est divisé en deux : le PYD, aile syrienne du PKK turc, qui contrôle militairement les trois grandes poches de peuplement kurde en Syrie grâce à ses forces armées, les Comités de la protection du peuple (YPG) ; et le Conseil national kurde de Syrie (CNKS), composé d’une douzaine de partis politiques kurdes, mais dominé par les trois plus importants : Azadi, el-Parti et Yeketi ».
Ces deux blocs se divisent autour de plusieurs lignes de
démarcation depuis le début du conflit syrien. Les partis du CNKS
proches des Kurdes irakiens qui ont les faveurs de la Turquie n’ont pas
de forces armées et reprochent au PYD d’imposer une domination
hégémonique sur le Kurdistan syrien. « De fait, le PYD a l’avantage sur
le terrain grâce à ses milices et contrôle aujourd’hui ces zones »,
explique Heiko Wimmen, spécialiste du Moyen-Orient à l’Institut allemand
pour les affaires internationales et la sécurité. Il y a pourtant
quelques exceptions, souligne Cyril Roussel : « Les Kurdes qui vivent
dans la région d’Alep – vers Azaz ou Bab – ne sont pas sous contrôle du
PYD. Ils forment des kataëb kurdes qui se battent contre le régime aux
côtés de l’Armée syrienne libre (ASL). »Des forces politiques divisées
Aujourd’hui, explique Cyril Roussel, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient, « l’horizon politique kurde est divisé en deux : le PYD, aile syrienne du PKK turc, qui contrôle militairement les trois grandes poches de peuplement kurde en Syrie grâce à ses forces armées, les Comités de la protection du peuple (YPG) ; et le Conseil national kurde de Syrie (CNKS), composé d’une douzaine de partis politiques kurdes, mais dominé par les trois plus importants : Azadi, el-Parti et Yeketi ».
Les partis politiques kurdes se différencient également dans les rapports qu’ils entretiennent avec Damas depuis le début du soulèvement. Initialement, le PYD a évité toute confrontation avec le régime dont l’objectif était de s’assurer la neutralité de cette zone pour engager ses troupes sur d’autres fronts. « Damas réagit très vite à la mobilisation d’une partie des Kurdes en 2011, explique M. Roussel. Il s’agissait avant tout de ne pas s’aliéner le soutien des communautés minoritaires confessionnelles (alaouites, chrétiens, druzes, ismaéliens) et ethniques (kurdes). Pour s’assurer le soutien des Kurdes, le régime restitue alors la nationalité aux milliers de citoyens qui se l’étaient vu retirer. » Petit à petit, la stratégie communautaire du régime et le refus de l’opposition arabe sunnite d’ouvrir le dialogue avec les Kurdes font leur œuvre : la mobilisation initiale, dirigée contre le régime, se segmente selon des lignes de fracture confessionnelle ou ethnique, explique Cyril Roussel. Guidé par sa volonté d’imposer une stratégie autonomiste, le PYD entretient alors une relation de complaisance avec le régime. « Les prisonniers politiques du PYD, arrêtés dans les années 2000, sont relâchés, le régime laisse le PYD organiser des milices pour contrôler les villes kurdes, arrêter les déserteurs de l’armée syrienne, empêcher la population kurde de rejoindre l’ASL. »
Mais pour Jordi Tejel, spécialiste des Kurdes à l’Institut des
hautes études internationales de Genève, les relations ambiguës entre
les partis politiques kurdes et Damas viennent de plus loin : avant
l’existence du PYD, d’autres partis comme le Parti démocrate
progressiste kurde de Hamid Hajj Darwish avaient des liens avec le
régime de Hafez el-Assad dans les années 1970. Ce dernier leur
permettait d’exister de manière illégale. À l’été 2011, un même type de
complicité s’est développé, bénéficiant au PYD qui parvint ainsi à
négocier avec Damas son retour dans les trois zones kurdes, à commencer
par Afrin. En échange, le PYD a participé à la neutralisation du
mouvement de protestation kurde avant de se déclarer ouvertement
anti-Assad. Le parti se voit même accuser de réprimer certaines
manifestations antirégime. Il a donc fait provisoirement le jeu de
Damas, en brisant une insurrection qui, initialement, avait des élans
nationaux. Le retrait, sans violence, des troupes de l’armée syrienne
des zones kurdes le 19 juillet 2012 consacre la prise de pouvoir du PYD.
Encore aujourd’hui, de nombreuses zones d’ombre entourent sa relation
avec Damas. « Pourquoi par exemple, le PYD qui contrôle les champs de
pétrole de la Djezireh ne coupe-t-il pas l’oléoduc qui achemine le
pétrole vers la Méditerranée ? » s’interroge J. Tejel.
De leur côté, les partis du CNKS se sont clairement opposés au
régime dès le départ. Mais la question de leur engagement
révolutionnaire demeure également problématique. « Soucieux de trouver
des supports internationaux, les partis kurdes unifiés au sein du CNKS
cherchèrent longtemps à intégrer le Conseil national syrien (CNS) tout
en réaffirmant leur volonté d’autonomie territoriale dans un futur État
fédéral. Or, le CNS soutenu par la Turquie n’accepta jamais ces
revendications », explique M. Roussel. « De plus, rejoindre le
soulèvement contre le régime est coûteux en raison de la répression
ciblée du PYD et des risques de bombardements. L’insurrection est peu
coordonnée, divisée sur le terrain. Combattre le régime à ses côtés
offre peu de garanties, tandis que la promotion du nationalisme arabe
par une partie des insurgés conjuguée à la montée en puissance de
l’islamisme n’incitent pas les militants kurdes à les rejoindre.Reste que le conflit syrien a révélé une fracture importante entre les formations politiques kurdes et la population. « Les partis ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la population kurde qui est critique vis-à-vis d’eux, explique M. Roussel. Les mouvements de la jeunesse se sont mobilisés contre le régime bien avant que les partis ne se manifestent. Spontanément, les Kurdes ont apporté leur soutien, dès le 15 mars 2011, aux “frères” syriens de Deraa, alors que le phénomène inverse ne s’était jamais produit. Conscients de leur statut de minorité ethnique, de nombreux Kurdes de Syrie se considèrent aussi comme partie intégrante de la société syrienne et se sont révoltés dès le début contre le régime. » À l’inverse, les partis kurdes syriens se sont montrés attentistes, par stratégie et par peur de la répression. « Toute attaque contre ces zones où il n’y a pratiquement pas de relief peut être dévastatrice », note M. Tejel.
L’échec des tentatives d’unification
Pour tenter de calmer les divisions politiques, le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, a réuni les principales formations politiques kurdes à Ebril du 6 au 9 juillet 2012, et créé le Conseil suprême kurde (CSK) qui chapeaute aujourd’hui en théorie le PYD et le CNKS. Ces accords prévoient notamment un partage de l’influence dans les zones kurdes par le biais de forces de sécurité communes. Mais si cette initiative a contribué dans un premier temps à pacifier les relations entre les partis, elle est un échec sur le terrain. L’application des accords se heurte à la résistance du PYD, militairement dominant et appuyé officieusement par Damas. Le PYD se montre par ailleurs méfiant vis-à-vis de ses partenaires qu’il considère à la botte de Massoud Barzani, proche de la Turquie, souligne M. Wimmen.
L’opposition aux jihadistes
Malgré leurs nombreuses divisions, les partis kurdes syriens forment un front commun face aux groupes jihadistes d’al-Nosra et de l’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL) qui combattent aussi le régime. Ces groupes passent par la Turquie pour tenter de prendre ce territoire qui sert de ravitaillement vers Raqqa ou Deir ez-Zor, des zones arabes dans lesquelles ils cherchent à s’installer. Les Kurdes craignent qu’ils ne les empêchent de mener à bien leur projet autonomiste. Le PYD combat les jihadistes depuis le début de l’année à Sarikaniyeh tandis que les kataëb kurdes mènent les batailles récentes dans les villages mixtes kurdes-arabes de la campagne d’Alep. « Les combats contre les jihadistes sont donc avant tout le fruit d’une lutte pour le contrôle du territoire », affirme H. Wimmen. Mais l’union des Kurdes contre les jihadistes s’explique en partie également par de fortes différences culturelles, ajoute-t-il. « Les Kurdes syriens sont souvent considérés comme de mauvais musulmans. Leurs partis sont pour la plupart laïques et progressistes, voire marxistes/révolutionnaires comme le PYD. Les YPD comptent même de nombreuses combattantes dans leurs rangs. C’est une caractéristique des partis kurdes syriens, contrairement à l’Irak par exemple où l’on trouve des partis kurdes islamiques », ajoute M. Tejel.
Sur le terrain, les combats semblent aujourd’hui s’intensifier
depuis que les milices kurdes ont chassé les jihadistes de la ville de
Ras el-Aïn suite à de violents affrontements. L’assassinat du dirigeant
kurde Isa Huso le 31 juillet a jeté un peu plus d’huile sur le feu. Les
YPG ont immédiatement appelé à prendre les armes pour protéger leurs
zones d’influence. L’escalade de violences aboutit à la prise d’otages
d’environ 200 civils kurdes par des groupes jihadistes dans les villages
de Tall Aren et de Tall Hassen et à l’enlèvement de 13 autres personnes
dans la localité de Sfeira. Le 10 août, M. Barzani a finalement menacé
d’intervenir dans le conflit syrien pour protéger la vie des Kurdes
syriens. Pour M. Roussel, ces conflits pourraient dégénérer en guerre
islamo-kurde. Mais surtout, ces événements montrent qu’aucun retour en
arrière n’est possible, note le chercheur : « Les Kurdes se défendront
maintenant contre toute menace hégémonique – retour du nationalisme
arabe sous une autre forme que le Baas, émirat islamiste ou autre – qui
ira à l’encontre de leur autonomie. »
La Turquie marche sur des œufs
Confrontée à ces évolutions le long de sa frontière sud, Ankara redoute que la formation d’une région kurde autonome en Syrie ne profite aux militants du PKK, menaçant de mettre fin au processus de paix engagé en mars pour mettre fin à trente ans d’insurrection. « Si une deuxième région autonome s’installe aux frontières de la Turquie, le gouvernement turc sait qu’il lui sera difficile d’empêcher la formation d’une autonomie chez lui, » explique M. Wimmen. Mais paradoxalement, Ankara semble marcher sur des œufs depuis quelque temps et tente d’éviter la confrontation avec le PYD. La visite officielle de Salih Muslim, leader du PYD, en Turquie, fin juillet, en témoigne. Mais pour M. Tejel, cette stratégie ne signifie pas que la position d’Ankara a changé. « Confronté à la colère populaire chez lui, le Premier ministre Recep Tayipp Erdogan ne peut se permettre de mettre en péril le processus de paix avec le PKK », ajoute enfin H. Wimmen.
La Turquie marche sur des œufs
Confrontée à ces évolutions le long de sa frontière sud, Ankara redoute que la formation d’une région kurde autonome en Syrie ne profite aux militants du PKK, menaçant de mettre fin au processus de paix engagé en mars pour mettre fin à trente ans d’insurrection. « Si une deuxième région autonome s’installe aux frontières de la Turquie, le gouvernement turc sait qu’il lui sera difficile d’empêcher la formation d’une autonomie chez lui, » explique M. Wimmen. Mais paradoxalement, Ankara semble marcher sur des œufs depuis quelque temps et tente d’éviter la confrontation avec le PYD. La visite officielle de Salih Muslim, leader du PYD, en Turquie, fin juillet, en témoigne. Mais pour M. Tejel, cette stratégie ne signifie pas que la position d’Ankara a changé. « Confronté à la colère populaire chez lui, le Premier ministre Recep Tayipp Erdogan ne peut se permettre de mettre en péril le processus de paix avec le PKK », ajoute enfin H. Wimmen.
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